Je ne connais pas l'immatriculation

25-06-2025

Quelles conséquences aura la disparition des ZFE ?


Auteur : Mélanie

Restriction de circulation des véhicules, suppression des zones à faibles émissions zfe

Imaginez un quotidien sans la crainte d'une amende simplement parce que votre voiture est un peu trop vieille. Un monde où les vignettes Crit'Air, aux règles parfois obscures et aux applications fluctuantes, ne seraient plus qu’un souvenir. Pour de nombreux automobilistes, le vote du projet de loi de simplification de la vie économique à l’Assemblée nationale le 17 juin 2025, visant entre autres à supprimer les Zones à Faibles Émissions (ZFE) a eu l’effet d’une bouffée d’air pur. Elle a engendré un sentiment de retour à une liberté de circuler, que beaucoup pensaient perdue. Mais derrière ce soulagement palpable se cache une question plus vaste. Cette suppression des ZFE est-elle un progrès pour la justice sociale ou un recul pour l’écologie ? Le débat est complexe, traversé de lignes de fracture entre territoires, classes sociales, et visions du futur.


Qu'est-ce qu'une zone à faible émission ou ZFE ?

Les zones à faibles émissions (ZFE) sont des secteurs géographiques où la circulation de certains véhicules polluants est restreinte, selon des critères spécifiques. Ce dispositif a été instauré pour limiter les niveaux de pollution de l'air qui dépassent les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). En d'autres termes, l'objectif est de protéger la santé des habitants des villes les plus polluées. Pour ce faire, l'accès aux agglomérations concernées est réservé aux véhicules respectant des normes environnementales précises, identifiées par des vignettes Crit’Air numérotées de 0 à 5. Ces dernières permettent de classer les véhicules en fonction de leur niveau de pollution. De plus, ces zones jouent un rôle majeur dans la transition écologique en incitant les automobilistes à se tourner vers des véhicules plus propres, qui ne sont généralement pas soumis à ces restrictions et bénéficient d'avantages fiscaux.

Pour qu’une ville soit concernée par le dispositif ZFE, le dépassement du niveau de pollution de l’air recommandé doit être régulier sur son territoire. Dans les faits, si ce dépassement se présente durant 3 années sur 5, la mise en place d’une ZFE peut être entamée par les collectivités. Avant cela cependant, une étude règlementaire en amont reste indispensable pour effectuer l’état des lieux environnemental, mais aussi pour déterminer l’objectif en termes de limitation de polluants.

Pourquoi les ZFE sont-elles remises en cause ?

Instaurées par la Loi d’Orientation des Mobilités en 2019, puis renforcées par la loi Climat et Résilience de 2021, les ZFE visaient un objectif ambitieux : améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes françaises. Une urgence sanitaire, avec près de 40 000 décès prématurés par an imputés à la pollution selon Santé Publique France. L’objectif était clair, à savoir interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants, classés Crit'Air 4, 5 ou non classés, excepté les voitures de collection, dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Cependant, le dispositif a été perçu comme une machine à exclure, notamment pour les raisons développées dans cet article.

Un sentiment d’injustice sociale généralisé

Pour de nombreux foyers, notamment les plus modestes, les ZFE sont apparues comme une forme de discrimination déguisée. Les personnes âgées ou celles qui vivent en périphérie des grandes villes se sont senties piégées. Certaines expliquent qu’à leur âge par exemple, il leur est impossible de passer au vélo ou à la trottinette, et que leur voiture est essentielle pour les courses, les visites familiales ou les déplacements médicaux. De plus, le coût d’un véhicule neuf, même avec les aides gouvernementales, reste inabordable pour beaucoup. De là est née une sensation de déclassement, voire d’humiliation, face à une transition écologique perçue comme hors-sol. Une consultation du Sénat en mai 2023 montrait d’ailleurs que 86 % des citoyens interrogés étaient opposés aux ZFE. Le rejet se révèle alors massif, bien au-delà des clivages politiques traditionnels.

L'absence de solutions de rechange

L’autre grief majeur est l'absence d'alternatives crédibles à la voiture individuelle. En effet, dans nombre de zones périurbaines et rurales, les transports publics sont trop rares ou insuffisants. Le covoiturage ne suffit pas à compenser, et les pistes cyclables, quand elles existent, ne sont pas adaptées à tous les trajets ni à toutes les conditions physiques ou météorologiques. En somme, circuler est interdit sans vraiment proposer d’options viables. Cela a créé une fracture entre les villes-centres bien équipées et les périphéries laissées pour compte.

Des politiques publiques en perte de cohérence

Enfin, l’inconstance des décisions gouvernementales alimente la défiance. Après avoir encouragé le diesel dans les années 2000, l’État l’a ensuite diabolisé, avant de faire aujourd’hui marche arrière sur un dispositif qu’il qualifiait hier d’indispensable. Les automobilistes déconcertés par ces revirements ressentent alors un certain désarroi face à ces « allers-retours politiques permanents » qui rendent impossible toute planification à long terme.

De nouvelles villes classées ZFE depuis le 1er janvier 2025

En 2024, 12 zones à faibles émissions (ZFE) étaient officiellement implantées en France, comprenant les métropoles du Grand Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Toulon, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne.

Depuis le 1er janvier 2025, 30 nouvelles villes françaises ont été classées comme ZFE. L'objectif de cette extension est de mieux encadrer les zones urbaines où la pollution dépasse les normes de qualité de l'air. Ces villes, qui comptent plus de 150 000 habitants, ont mis en place des restrictions adaptées pour réduire la pollution et encourager l’usage de véhicules moins polluants. Certaines appliquaient déjà des mesures, tandis que d’autres les ont introduites progressivement en fonction de leur calendrier. Il est important de noter que chaque municipalité a la possibilité de définir ses propres règles en termes de zones géographiques concernées et d'horaires de circulation, ce qui crée une certaine confusion dans l’application des ZFE à travers le pays.

Les nouvelles ZFE de cette année 2025 sont Amiens, Annecy, Angers, Avignon, Annemasse, Bayonne, Béthune, Brest, Bordeaux, Chambéry, Caen, Dijon, Dunkerque, Douai-Lens, Le Mans, Le Havre, Lille, Limoges, Metz, Mulhouse, Nîmes, Nancy, Nantes, Orléans, Perpignan, Pau, Rennes, Tours, Toulon et Valenciennes.

Des restrictions variables selon les villes

La mise en place de ZFE limite l’accès des véhicules dits polluants. En règle générale, les véhicules bénéficiant d’une vignette Crit’Air entre 1 et 3 sont autorisés à circuler partout, tandis que les modèles non classés ou ayant une vignette Crit’Air 4 ou 5 sont interdits de circuler dans ces zones.

Cependant, ces restrictions peuvent varier d’une agglomération à une autre, en fonction des décisions prises par les collectivités locales. Certaines villes, comme Brest, ont appliqué ces règles à partir du mois d’avril 2025, tandis que d'autres les ont mises en place progressivement. Dans les agglomérations déjà concernées par les ZFE depuis 2024, les restrictions ont pu être renforcées comme à Paris, Lyon et Grenoble, où les véhicules Crit’Air 3 sont désormais interdits dans certains quartiers, alors qu'à Strasbourg, ce changement interviendra en 2027. Cette liberté accordée aux municipalités permet d’adapter les conditions de circulation à leurs spécificités locales, tout en respectant l’objectif de réduction des émissions de CO2.

Par ailleurs, Marseille, Strasbourg et Lyon ne sont plus concernées par l’obligation du dispositif ZFE car elles ne dépassent plus les normes requises pour une bonne qualité de l’air. Cependant, elles peuvent toujours choisir d’appliquer des restrictions pour les véhicules polluants sur leur territoire.

Quelles conséquences pourrait avoir une suppression des ZFE chez les automobilistes ?

Chez la plupart des automobilistes, l’annulation des ZFE pourrait se traduire par un retour à la liberté. Effectivement, pour de nombreux conducteurs, cette décision apparaît comme une délivrance. À titre d’exemple, les automobilistes possédant des véhicules anciens classés Crit’Air 3 à 5 voient disparaître la menace d’interdiction à travers cette décision. Ce sont alors plus de 2,7 millions de véhicules qui pourraient ainsi retrouver leur droit à circuler librement en France. D'ailleurs, selon certains automobilistes, un véhicule ancien n’est pas nécessairement plus polluant qu’un modèle récent, s’il est bien entretenu et passe le contrôle technique. Le changement de voiture devrait alors se faire naturellement, au rythme de la vie et non par obligation légale.

D’un autre côté, la suppression des ZFE entraînerait des pertes financières et des choix regrettés pour d’autres conducteurs. Effectivement, cette liberté retrouvée ne fait pas que des heureux. À titre d’exemple, on peut croiser des automobilistes qui ont été contraints de vendre leur voiture diesel à bas prix et d’acheter un nouveau véhicule propre ou hybride pour continuer à circuler au quotidien et qui le regrettent aujourd’hui. La cession de leur véhicule leur a coûté et ils n’envisagent pas de retour en arrière, même si les ZFE venaient à être supprimées.

À l’inverse cependant, certains propriétaires de véhicules avec une Crit’air entre 3 et 5 voient aujourd’hui leur valeur remonter sur le marché de l’occasion.
Ce volte-face, plutôt brutal, illustre ainsi les conséquences économiques d’une politique écologique jugée trop contraignante.

Et quelles en sont les conséquences sur la transition écologique ?

En supprimant les ZFE, la France donne l’image d’un recul dans sa stratégie de décarbonation des transports. La voiture électrique, qui bénéficiait jusque-là d’avantages symboliques, à savoir l’accès sans restriction de circulation aux centres-villes et l’exonération de taxe régionale sur le prix de la carte grise, a perdu ainsi une grande partie de son attrait pour les automobilistes. Pourquoi payer plus cher pour un véhicule électrique, si une vieille voiture diesel peut désormais être libre de rouler partout ?

Certains spécialistes craignent une chute des ventes de véhicules électriques et un retour vers les motorisations thermiques traditionnelles et plus abordables. D’autre part, les aides locales risquent aussi de disparaître, faute de restrictions à compenser.

Par ailleurs, le retour des véhicules polluants dans les centres urbains pourrait inverser les progrès constatés ces dernières années. À Paris et Lyon, par exemple, les concentrations de dioxyde d’azote ont baissé d’environ 30 % depuis la mise en place des ZFE. À Grenoble, une baisse de 15 à 20 % a été mesurée. Une experte de la qualité de l'air au sein d'Atmo, Fédération des Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA) en France, expliquait récemment que les ZFE avaient agi comme un « accélérateur de la transition », en poussant à réfléchir à d’autres modes de transport. Leur suppression risque donc de ralentir cet élan, voire de l’annuler. Et ce sont souvent les plus précaires qui en subiront les conséquences : ces populations résident souvent dans les quartiers les plus exposés à la pollution.

La fin des ZFE au niveau national ne signifie pas leur disparition totale. Certains maires, notamment dans les grandes villes écologistes, ont déjà annoncé leur intention de maintenir les restrictions par d'autres moyens, comme des arrêtés municipaux ou des réglementations locales. En conséquence, cela risque d’aboutir à un paysage fragmenté, compliqué à appréhender pour les automobilistes avec toutes ces règles différentes d’une ville à l’autre. Ce flou pourrait même entraîner des recours juridiques, en l’absence d’un cadre législatif clair.

Qu’en est-il alors des vignettes Crit’Air ?

Même si les ZFE permanentes peuvent être appelées à disparaître, il est possible que les vignettes Crit’Air établies à partir de la norme EURO, inscrite au champ V9 de la carte grise, resteront utilisées lors des pics de pollution. De ce fait, les préfets pourraient toujours interdire temporairement la circulation des véhicules les plus polluants au sein de leur territoire. Cela voudrait dire que le fait de ne pas afficher sa vignette dans une zone concernée pourrait encore être passible d’une amende.

Enfin, toujours en termes d’écologie, parallèlement à la suppression des ZFE, le projet de loi, voté en juin 2025, prévoit également un assouplissement du principe de Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Ce dernier visait à limiter le grignotage des terres agricoles et naturelles. Désormais, les collectivités pourront dépasser de 30 % les plafonds de bétonisation, notamment pour des projets qualifiés “intérêt national", comme les autoroutes. Si ces mesures peuvent répondre à certaines attentes économiques locales, elles soulèvent de fortes inquiétudes du côté des défenseurs de l’environnement, qui y voient un pas en arrière dans la protection de la biodiversité.

La suppression des ZFE reste encore incertaine

La suppression des ZFE, bien qu'encore incertaine, marque un tournant important. Pour beaucoup, le soulagement est réel face à une contrainte vécue comme injuste et difficile à suivre au quotidien. Pour d’autres, ce changement est le signe inquiétant d’un recul dans la lutte contre la pollution. Cependant, le projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par le Sénat en octobre 2024, doit encore passer devant une commission mixte paritaire en septembre 2025, et le Gouvernement pourrait demander une deuxième délibération.

En attendant, les règles restent en place, et la circulation reste encadrée par la vignette Crit’Air. Ce flou laisse les citoyens dans l’expectative, entre liberté retrouvée et inquiétude face à l’avenir. Une chose est sûre, il faudra trouver un compromis qui permette à la fois de protéger l’environnement et de ne laisser personne de côté.


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